Mode : sexe préoccupé par la mode, hommes ou femmes ?

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Certains matins, le vestiaire devient un champ de bataille silencieux. Là, devant la glace, Antoine s’attarde plus que sa partenaire : cravate à pois ou veste oversize ? La hiérarchie des genres vacille, les certitudes se fissurent. Qui, aujourd’hui, scrute le fil Instagram d’une maison de couture ou guette la sortie de la dernière collection avec le plus de ferveur ? L’homme ou la femme ? Difficile de trancher.

Dans les rayons saturés de lumières artificielles, la réalité se joue des clichés. L’obsession de la coupe parfaite, la quête de la nuance idéale : chacun, selon ses codes, nourrit son feu sacré. L’époque où le genre dictait la passion du style s’efface peu à peu, laissant place à une rivalité feutrée, presque complice, entre vestiaires masculin et féminin.

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Hommes et femmes face à la mode : un regard croisé sur les chiffres et les tendances

Impossible de réduire la mode à une affaire de sexe. À Paris, à Milan, partout en Europe, les différences entre hommes et femmes se font plus subtiles. Certes, la consommation vestimentaire reste plus soutenue chez les femmes : en France, elles allouent près d’un tiers de budget en plus à leurs achats de vêtements par rapport à leurs homologues masculins. Mais ce fossé, autrefois si clair, se comble à vue d’œil. Les jeunes générations, moins prisonnières des vieux schémas, rebattent les cartes.

  • Parmi les 18-34 ans, 47 % des hommes se disent attentifs aux tendances, contre 54 % des femmes.
  • Côté e-commerce, la progression des achats masculins sur Internet dépasse largement celle des achats féminins depuis 2018.

La pression sociale ne frappe pas de la même façon. Les femmes associent souvent leur image à la réussite, tandis que les hommes revendiquent la mode comme un terrain de liberté, d’expression personnelle. À Paris, les boutiques dédiées à l’homme fleurissent, les collections masculines s’étoffent, et l’intérêt pour la mode dépasse le simple souci d’utilité.

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Les marques flairent le vent du changement. Les collections « genderless » gagnent du terrain, illustrant une fluidité qui s’impose dans l’industrie. Les anciennes frontières de la mode hommes-femmes se brouillent, offrant un terrain de jeu inédit à une génération avide d’authenticité.

Qui se préoccupe le plus de son apparence vestimentaire ? Décryptage des idées reçues

À l’heure où le cliché de la femme naturellement préoccupée par la mode s’accroche encore, la réalité s’invite, plus nuancée. Selon l’IFOP, 62 % des femmes interrogées se disent très attentives à leur apparence vestimentaire, contre 48 % des hommes. L’écart existe, mais il se rétrécit, surtout chez les plus jeunes.

  • Chez les 18-25 ans, plus d’un homme sur deux (54 %) revendique un souci de style, une tendance qui ne cesse de croître depuis dix ans.
  • Les réseaux sociaux ouvrent un nouveau champ des possibles : identité vestimentaire plurielle, plaisir de s’habiller, loin des cases imposées.

La mode devient alors un terrain d’expression et de plaisir, mais aussi de revendication. Les hommes s’autorisent la couleur, les motifs, s’approprient les coupes autrefois réservées à l’autre genre. Les femmes, elles, s’affranchissent des injonctions à la sophistication, revendiquent la simplicité, la liberté de ne pas toujours faire « plus ».

Les rapports sociaux évoluent. Là où le vêtement servait jadis de marqueur de genre, il devient instrument d’affirmation, pour chacun. Les stéréotypes s’effritent, forçant la société à repenser sa vision de la préoccupation vestimentaire.

Pressions sociales, plaisir ou affirmation de soi : ce que la mode révèle de notre rapport au genre

La mode n’est pas qu’affaire d’esthétique – c’est aussi un terrain miné. La pression sociale frappe tôt, surtout chez les filles. L’INED révèle que 78 % des adolescentes ressentent la nécessité d’être « bien habillées » dès le collège. Chez les garçons, cette préoccupation émerge plus tard, souvent au lycée.

Les codes vestimentaires, hérités d’une longue tradition, pèsent sur la construction de soi. Simone de Beauvoir interrogeait déjà la capacité du vêtement à émanciper ou à enfermer. Pour une fille, porter une jupe ou se maquiller n’est jamais anodin : chaque choix s’expose au regard d’autrui. Pour un garçon, explorer le style, c’est prendre le risque du quolibet, de la sortie de route hors des normes masculines.

Mais la mode, c’est aussi le plaisir, la possibilité de s’affirmer. Les codes volent en éclats, la créativité prend le dessus :

  • Le rouge à lèvres se glisse sur les lèvres masculines de certains créateurs ou influenceurs, effaçant la frontière du genre.
  • Les expérimentations de la mode masculine, lancées à la fin des années 2010, ouvrent la porte à une véritable libération du vestiaire.

Ce nouveau terrain d’expérimentation redéfinit les rapports au genre : le vêtement ne se contente plus d’habiller, il raconte, déconstruit, révèle qui nous sommes — et qui nous voulons devenir.

mode homme

Vers une mode moins genrée : les nouvelles dynamiques qui bousculent les codes

La croissance de la mode unisexe : chiffres et acteurs

Impossible d’ignorer l’essor de la mode unisexe. Selon Style.com, les vêtements sans distinction de genre occupent déjà 17 % du marché européen, avec une croissance annuelle de 7 %. Ce mouvement, initié par Jean Paul Gaultier dans les années 1980, explose aujourd’hui dans les collections de Gucci, Hedi Slimane ou Roland. La fluidité du genre n’est plus une exception, mais une évidence.

  • Chez Gucci, 40 % des pièces en défilé sont désormais « mixtes ».
  • À Montréal, les concept stores consacrés à la mode unisexe voient leur fréquentation bondir de 20 % en deux ans.

Les nouvelles expérimentations : vers la libération des looks

La mode masculine s’affranchit de ses carcans : les jupes quittent les podiums pour la rue, les silhouettes se réinventent. Cette libération stylistique, portée par les réseaux sociaux et les jeunes créateurs, bouscule les repères établis.

Année % de collections unisexes (Europe)
2015 8 %
2023 17 %

Désormais, la mode n’impose plus sa loi au genre. Elle le questionne, le défie, parfois le gomme. Et dans ce grand jeu des apparences, chacun invente ses propres règles. Qui sait jusqu’où cette révolution silencieuse emportera nos vestiaires ?